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En conversation avec Ma’n H. Zawati, expert en utilisation de l’IA en génomique et spécialiste des questions éthiques et juridiques

Nous avons rĂ©cemment discutĂ© avec Ma’n H. Zawati, professeur agrĂ©gĂ© Ă  l’UniversitĂ© 9IÖĆ×÷ł§Ăâ·Ń et directeur de recherche au Centre de gĂ©nomique et politiques. Il a partagĂ© ses rĂ©flexions sur ses recherches financĂ©es par l’initiative De l’ADN Ă  l’ARN (D2R) et discutĂ© des utilisations responsables et Ă©thiques de l’IA pour identifier de nouveaux biomarqueurs gĂ©nomiques. Il a Ă©galement Ă©voquĂ© le potentiel des thĂ©rapies personnalisĂ©es et de la recherche sur l’ARN, ainsi que les importants dĂ©fis Ă©thiques, juridiques et politiques qu’il faudra relever pour garantir des soins de santĂ© Ă©quitables pour tous.

  1. Pouvez-vous expliquer en termes simples en quoi consiste votre projet?

Notre projet, « Développement d’une IA responsable pour l’Identification de biomarqueurs génomiques dans le contexte de l’initiative D2R », explore comment nous pouvons utiliser l’intelligence artificielle (IA) de façon responsable et éthique dans le contexte de l’initiative D2R. Nous examinons en particulier comment l’IA peut aider à identifier les biomarqueurs qui signalent la présence ou la progression de différentes maladies, tout en veillant à ce que cette technologie soit appliquée de manière juste, équitable et responsable au plan social.

Les biomarqueurs sont des indicateurs biologiques des maladies – essentiellement des signes comme des changements ou des profils génétiques qui représentent des mutations ou des variations dans l’expression génétique et qui sont liés à une maladie particulière. En les étudiant, nous pouvons mieux comprendre les causes profondes des maladies, ce qui nous permet de diagnostiquer les maladies plus rapidement, de développer des traitements ciblés et même de les prévenir complètement. Bien que, désormais, l’intelligence artificielle puisse aider à établir des diagnostics plus rapidement et à développer des traitements plus efficaces, son utilisation s’accompagne d’importants défis éthiques, juridiques et politiques. Les modèles d’IA vont-ils aggraver les inégalités dans l’accès aux services d’identification des biomarqueurs génomiques, en particulier pour les populations mal desservies et en quête d’équité, en raison de l’augmentation des coûts et de la faisabilité technique? Les algorithmes d’apprentissage automatique et d’apprentissage profond entraînés sur des données génomiques biaisées ou non représentatives renforceront-ils davantage les risques de discrimination découlant de la découverte d’un biomarqueur anormal, en particulier pour les populations en quête d’équité, notamment les femmes, les minorités racialisées et tout particulièrement les populations autochtones, les personnes handicapées, les membres de la communauté 2ELGBTQIA+ ou les personnes âgées? Voici quelques-unes des questions de recherche essentielles que notre projet veut explorer en schématisant ces risques et en proposant des solutions pratiques pour intégrer l’IA de façon responsable dans la recherche en génomique et la recherche sur l’ARN.

  1. Comment l’IA est-elle utilisée dans l’identification des biomarqueurs génomiques, et pourquoi est-elle importante dans le développement de thérapies personnalisées pour des maladies comme le cancer et les maladies rares?

L’IA transforme les méthodes utilisées actuellement pour identifier les biomarqueurs génomiques, entre autres en surmontant les restrictions posées par les approches traditionnelles. Par le passé, la découverte de nouveaux biomarqueurs nécessitait de surmonter d’importants défis, notamment l’utilisation d’échantillons de petite taille ainsi que des difficultés en matière de reproductibilité et d’intelligibilité. Ces limites ont entravé les progrès, en particulier dans la compréhension et le traitement de maladies complexes comme le cancer et les maladies rares. L’utilisation de l’IA peut être considérée comme une solution à ces défis, en raison de sa capacité d’analyser des ensembles de données massifs et diversifiés à une vitesse incroyable. En intégrant divers types de données, tels que les séquences génétiques, les données d’imagerie, les informations cliniques, etc., elle permet de découvrir des tendances et des connexions qui seraient impossibles, ou du moins très difficiles, à détecter pour des humains.

Cette capacité est particulièrement importante pour le développement de thérapies personnalisées. En identifiant des biomarqueurs génomiques spécifiques liés aux maladies, l’IA permet aux chercheurs d’adapter les traitements au profil génétique de chaque patient. Dans le contexte du cancer, cela pourrait signifier le développement de thérapies qui ciblent les mutations génétiques uniques responsables de la croissance tumorale, permettant ainsi d’améliorer l’efficacité tout en minimisant les effets secondaires. Pour ce qui est des maladies rares, l’IA aide à découvrir des biomarqueurs critiques même lorsque les populations de patients sont très petites, ouvrant la voie à des recherches et à des traitements qui pourraient autrement demeurer hors de portée.

  1. Quels sont les risques associés à l’utilisation de l’IA dans ce domaine?

Comme je l’ai mentionné, mettre l’IA au service de l’identification des biomarqueurs génomiques offre des possibilités incroyables, mais elle présente aussi plusieurs risques qui doivent être pris en compte pour assurer une application responsable et équitable. Il importe de se préoccuper notamment du biais dans les données. De nombreux modèles d’IA sont entraînés sur des ensembles de données génomiques qui représentent principalement des individus d’origine européenne. Lorsque ces modèles sont appliqués à des populations sous-représentées, comme des groupes autochtones, asiatiques ou africains, ils peuvent parfois produire des résultats inexacts, voire néfastes, ce qui a pour conséquence de perpétuer les disparités dans les résultats des soins de santé et de miner la confiance dans les technologies d’IA. Les risques liés à la protection des renseignements personnels constituent un autre enjeu extrêmement important. Les grandes bases de données génomiques sont des cibles attrayantes pour les cyberattaques, comme le montrent les brèches largement médiatisées dans les entreprises qui offrent des services directement aux consommateurs. L’équité dans les soins de santé pose également des défis. Les outils génomiques fondés sur l’IA nécessitent souvent des ressources importantes, allant d’une infrastructure informatique avancée à des ensembles de données coûteux, ce qui les rend inaccessibles aux communautés mal desservies. Les populations autochtones et rurales, par exemple, peuvent faire face à des obstacles à l’accessibilité pour tirer parti de ces innovations, ce qui renforce encore davantage les disparités existantes en matière de santé. Les difficultés liées au consentement compliquent davantage l’utilisation éthique de l’IA en génomique. Les participants pourraient ne pas comprendre pleinement que leurs données génomiques pourraient être utilisées pour entraîner des systèmes d’IA commerciaux, ou être partagées avec des tiers. Enfin, les problèmes de reproductibilité et d’intelligibilité des résultats posent des risques pour la fiabilité des constatations générées par l’IA. Certains modèles d’IA, en particulier ceux qui utilisent des techniques d’entraînement non supervisées, peuvent identifier des profils génomiques sans fournir d’explications claires ni préciser les étapes ayant mené à ces résultats. Cette qualité de « boîte noire » fait en sorte qu’il est difficile pour les chercheurs de valider les résultats, et tout aussi difficile pour les cliniciens d’appliquer avec confiance les découvertes de biomarqueurs dans la pratique médicale.

Il est essentiel de s’attaquer à ces risques pour s’assurer que les technologies d’IA sont utilisées de façon responsable et équitable dans la recherche et les soins de santé fondés sur la génomique. L’objectif est donc de trouver un équilibre entre l’innovation et les considérations éthiques.

  1. Comment votre projet vise-t-il à répondre aux préoccupations éthiques, juridiques et politiques?

En mettant l’accent sur l’intégration responsable et équitable de l’IA dans ce domaine, nous travaillons à harmoniser l’innovation en recherche génomique avec les valeurs sociétales et les normes juridiques.

La portée de notre travail englobe plusieurs objectifs clés. Premièrement, nous cernerons les risques sociaux, éthiques et juridiques associés à l’utilisation de l’IA pour identifier les biomarqueurs génomiques, notamment les biais et les enjeux de confidentialité et d’équité. Pour favoriser des changements réalisables, nous élaborerons ensuite un cadre d’utilisation responsable et équitable des technologies d’IA pour l’analyse des données génomiques et multimodales en santé. Nos méthodes sont multidimensionnelles et inclusives. Elles comprennent l’analyse stratégique et juridique, la mobilisation d’experts au moyen d’entrevues ainsi que des groupes de discussion en ligne avec des participants issus de populations en quête d’équité.

En combinant des recherches rigoureuses, des commentaires d’experts et la mobilisation du public, nous cherchons à fournir des conseils robustes et réalisables sur l’utilisation éthique et équitable de l’IA pour identifier les biomarqueurs génomiques. En fin de compte, notre objectif est d’établir un climat de confiance, de protéger les droits et de veiller à ce que ces technologies servent le bien public dans son ensemble.

  1. Vous travaillez avec des groupes de discussion qui réunissent des participants de divers milieux. Comment leurs commentaires contribueront-ils à façonner les lignes directrices sur l’utilisation de l’IA dans la recherche génomique?

Les commentaires des groupes de discussion représentant divers milieux joueront un rôle essentiel dans l’élaboration de nos lignes directrices sur l’utilisation responsable de l’IA dans la recherche génomique. En mobilisant directement les populations en quête d’équité, comme les femmes, les minorités racialisées (notamment les Autochtones), les personnes handicapées, les membres de la communauté 2ELGBTQIA+ et les personnes âgées, nous pouvons élaborer un cadre d’orientation qui tient compte des préoccupations, des valeurs et des expériences vécues de personnes qui sont souvent sous-représentées dans la recherche et l’élaboration des politiques. Cette approche nous permettra d’établir un climat de confiance auprès de ces communautés et de répondre à leurs préoccupations, et d’explorer les dimensions éthiques et sociales particulièrement préoccupantes, comme l’explicabilité, la responsabilisation et la gouvernance. En intégrant activement les voix des participants au document d’orientation ethico-juridique final, nous adoptons une approche novatrice et inclusive. Contrairement à de nombreuses lignes directrices existantes sur l’IA, qui souvent n’accordent pas suffisamment de représentation aux groupes en quête d’équité, notre projet accorde la priorité à ces perspectives comme pierre angulaire du cadre d’orientation.

En fin de compte, les divers points de vue recueillis auprès de ces groupes de discussion feront en sorte que les lignes directrices que nous produisons sont non seulement solides sur le plan juridique et éthique, mais aussi pertinentes sur le plan social et inclusives. Cette approche reflète notre engagement à créer des cadres d’IA responsables qui répondent aux besoins et respectent les droits de toutes les communautés, en particulier celles particulièrement vulnérables aux risques et aux inégalités posés par les technologies émergentes.

  1. Comment allez-vous vous assurer que l’utilisation de l’IA dans les soins de santé n’aggrave pas les inégalités existantes, surtout pour les groupes sous-représentés?

Pour notre projet, veiller à ce que l’utilisation de l’IA dans les soins de santé n’aggrave pas les inégalités existantes, surtout pour les groupes sous-représentés, est une priorité fondamentale. Nous nous attaquons à ce défi en mettant de l’avant un engagement profond envers l’équité à tous les niveaux du processus de recherche, de la composition de notre équipe jusqu’aux cadres qui guident nos travaux.

Notre équipe incarne elle-même les principes de la diversité et de l’inclusion. Cette diversité nous permet d’acquérir les expériences vécues et la compréhension nuancée nécessaires pour cerner et aborder les problèmes de préjugés, d’iniquité et de discrimination dans la conception et l’application des modèles d’IA dans les soins de santé. Cette diversité n’est pas seulement une caractéristique de notre équipe : elle est essentielle à notre capacité d’aborder ce travail avec sensibilité et perspicacité.

Nous abordons notre recherche en sachant que les personnes peuvent être privées de droits à différents niveaux – en fonction de leur race, de leur sexe, de leurs capacités, de leur statut socioéconomique et bien d’autres – d’une manière qui influe sur leur accès aux soins de santé et sur l’incidence des outils fondés sur l’IA. Notre objectif est d’aider à éliminer ces inégalités en mettant l’accent sur les perspectives des communautés sous-représentées et mal desservies.

Grâce à nos groupes de discussion et à notre engagement auprès des populations en quête d’équité, nous intégrons activement les points de vue des personnes les plus touchées par les disparités en matière de santé. Leurs commentaires éclairent directement les lignes directrices éthiques et juridiques que nous élaborons, en veillant à ce que ces cadres favorisent l’équité, la transparence et l’accessibilité pour toutes les collectivités, et non pas seulement pour celles qui sont déjà bien représentées.

Picture of one man and two women in a library discussing. De gauche à droite : Ma’n H. Zawati, professeur agrégé; Kate Bornais, stagiaire en recherche; Yuan Stevens, experte en droit de l’IA et ancienne collaboratrice universitaire

  1. Looking ahead, what do you hope will be the impact of your work? How does your research contribute to D2R’s vision of delivering genomic-based RNA therapies?

Looking ahead, we hope that our work will have a transformative impact on the responsible and equitable use of AI in genomic research. By identifying ethical, legal, and social best practices for applying AI to genomic biomarker discovery, our project aims to fill critical gaps and set new standards for integrating AI into this rapidly advancing field.

Our research directly aligns with and supports D2R’s vision of delivering genomic-based RNA therapies. The guidance we develop will provide D2R researchers with the tools and frameworks they need to use AI responsibly in identifying and validating genomic biomarkers. These best practices will inform crucial processes such as biomarker target selection and classification of gene expression patterns, ensuring that the research is both innovative and aligned with ethical and equity principles.

By equipping D2R researchers with a robust set of ethico-legal guidelines, we aim to empower them to lead in the responsible and equitable use of AI for genomic biomarker identification. This leadership will set a precedent for other institutions and initiatives, demonstrating how cutting-edge technology can be harnessed for precision medicine while upholding the highest standards of social responsibility.

Our work will be a vital step in advancing RNA-based therapies, a cornerstone of D2R’s vision for precision medicine. By ensuring that AI is used effectively and equitably to identify biomarkers, we pave the way for more accurate and personalized RNA therapies. This will lead to treatments that target the root causes of diseases, improving outcomes for diverse populations and addressing health disparities.

In sum, we are very excited by the transformative potential this research holds and look forward to the innovative solutions it could drive in genomic-based RNA research and therapy!

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