Le professeur est professeur de déficience intellectuelle et de soins palliatifs au Centre de recherche sur la santé et les services sociaux de l’Université de Kingston, Londres. Elle est titulaire de la première chaire au monde sur la déficience intellectuelle et les soins palliatifs.
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EA : Quel est votre parcours et qu’est-ce qui vous a amené dans le domaine des soins palliatifs, et plus particulièrement dans celui des soins palliatifs pour personnes ayant une déficience intellectuelle ?
ITW : J’ai suivi une formation d’infirmière dans les Pays-Bas dans les années 1980. Je me souviens d’avoir visionner un vidéo de l’hospice de St Christopher à Londres et ça m’a semblée très intéressant. Dans ces années les soins palliatifs n’existaient pas dans les Pays-Bas. Je suis venue à Londres pour ce que je croyais être pour 6 mois pour apprendre l’anglais, mais ça fait il y a de cela 40 ans ! J’ai vécu dans la , avec des personnes ayant une déficience intellectuelle pour les premiers 8 ans. Ensuite, j’ai travaillé en tant qu’infirmière en soins palliatifs à l’hospice Trinity, Londres. J’ai été étonnée que pendant une période de 5 ans, je n’ai rencontré qu’une seule personne ayant une déficience intellectuelle dans mon unité. Je me suis demandée, où sont-elles ? Ayant appris à faire une revue de littérature dans un cours, j’ai décidé de me renseigner et je n’ai rien trouvé. Il n’y avait pas un seul article dans le monde entier sur l’expérience de la mort des personnes ayant une déficience intellectuelle. Donc j’ai écrit une étude de cas, qui a été publiée dans la revue Nursing Times, et pendant des années, il n’y avait rien d’autre. Je suis devenue en peu de temps une experte internationale dans ce domaine parce qu’il n’y avait que mon étude. Quelques années plus tard, une grande loterie a été attribuée à l’Université Saint George de Londres pour améliorer les services de lutte contre le cancer destinés aux personnes ayant une déficience intellectuelle, ils m’ont donc repérée. J’ai ensuite fait mon doctorat et je suis toujours restée fidèle à ce sujet. Pendant des décennies, il a été très difficile d’obtenir du financement parce que les personnes ayant des déficiences intellectuelles n’étaient pas assez importantes. Mais cela change. La pandémie a contribué à les faire connaître, pour toutes les mauvaises raisons. Soudainement, les gens ont réalisé que nous connaissions des choses que les autres devraient savoir. La clé est d’être inclusive dans cette recherche. Si nous voulons améliorer les services des soins palliatifs pour les personnes ayant une déficience intellectuelle, il faut donc travailler avec ces personnes, leurs familles et les soignants.
EA : L’inclusion des personnes ayant une déficience intellectuelle en tant que participants à l’étude et co-chercheurs salariés, cela constitue un élément clé de votre travail. Elaborez plus à ce sujet ?
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EA : A quels obstacles l’accès aux soins palliatifs les personnes ayant une déficience intellectuelle sont-elles confrontées ?
ITW : Un des principaux obstacles est celui des assomptions incorrectes au sujet de leur qualité de vie, et ce à quoi ils peuvent ou ne peuvent pas faire face. En plus, elles se fient vraiment sur les autres pour accéder aux services pour et avec eux. Souvent, le personnel dans un milieu de vie accompagné ne connait rien sur les soins palliatifs. Donc, ne pas avoir de connexions entre les services de soins palliatifs et les services pour les déficiences intellectuelles est un obstacle majeur. Il y a aussi le problème des besoins en soins palliatifs qui ne sont pas reconnus. Les personnes ayant une déficience intellectuelle souffrent d’un certain nombre de pathologies à long terme et ne correspondent souvent pas à une trajectoire prévisible. Il est beaucoup plus difficile de déterminer quand ils pourraient bénéficier de soins palliatifs. Même les professionnels en soins palliatifs qui sont très inclusifs ne sont pas encore confortables avec ces patients. Pour inclure ces gens vous devez changer votre manière de travailler, et cela est difficile. Ce ne sont pas que des personnes avec des déficiences intellectuelles mais toute une communauté mal servie.
EA : Votre carrière à date est très impressionnante et inspirante. Quel est votre réalisation la plus fière dans votre carrière universitaire ?
ITW : Je trouve que le travail avec une grande équipe de personnes avec ou sans déficiences intellectuelles et la façon dont nous travaillons ensemble, inspirant. C’est une équipe vraiment inclusive. D’autres personnes s’en inspirent aussi, donc je pense que c’est une réussite.
EA : Sur quoi travaillez-vous maintenant ?
ITW : Nous arrivons à la fin d’un projet national de deux ans visant à impliquer les personnes ayant des déficiences intellectuelles dans la planification des soins de fin de vie. Aux côtés des personnes ayant une déficience intellectuelle, de leurs familles et du personnel de soutien, nous avons coproduit une boîte à outils pour garantir que les personnes ayant une déficience intellectuelle sont impliquées dans leurs propres soins et dans les décisions prises à leur sujet. Il s’agit principalement d’images, mais vous trouverez également des conseils sur la manière dont vous pouvez soutenir les personnes non verbales ou qui communiquent tres différemment. Cette nouvelle ressource sera disponible à partir du 20 juin sur ce site internet : End Of Life Care Planning/The Victoria and Stuart Project.
EA : Quel conseil clé donneriez-vous aux professionnels de soins palliatifs qui s’occupent d’un patient ayant une déficience intellectuelle ? Et où devraient-ils chercher des ressources ?
ITW : Il n’est pas nécessaire de faire des choses étranges ou différentes, juste parler avec ces personnes et les inclure. Assurez-vous d’inclure la famille ou les soignants ainsi que les personnes dans leur entourage qui les connaissent mieux, comme elles font partie de votre équipe. L’essentiel est que quelque soit la manière dont quelqu’un communique, que ce soit avec des mots, des sons ou le toucher, il suffit de les placer au centre. Si vous pouvez apporter un bon soutien à cette personne qui communique si différemment, alors vous pouvez tout faire. Vous pouvez apporter du soutien à tous vos patients. Les gens vont reconnaître que vous voulez établir un lien avec eux, et vous ne pouvez pas réellement vous tromper. Mais le fait que vous vouliez établir un lien avec eux et découvrir à quoi ressemble la vie pour eux, c’est tout ce dont vous avez besoin.
Pour les ressources, ils peuvent visiter sur mon site et sur la boîte à outils lorsqu’elle sera disponible. Books Beyond Words est une autre excellente ressource. . Également la chaîne YouTube PCPLD .
EA : Le dernier mot vous appartient – un message final que vous souhaitez transmettre ?
ITW : Cela peut paraître étrange à dire, mais c’est amusant de travailler avec des personnes ayant une déficience intellectuelle, car elles font vraiment tomber les barrières. Elles ne se soucient pas de savoir si vous êtes professeur ou balayeur de rue. Elles veulent vraiment vous connaitre, et c’est un privilège. Mon dernier message est d’essayer de bien faire les choses, d’être avec ces gens, car alors vous pouvez tout accomplir. Les choses que vous apprenez sur la communication sont inestimables.