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La musique qui nous réconforte, nous rapproche et nous accompagne à la fin de la vie

Ensemble, Dan Goldman et Stefanie Blain-Moraes, confĂ©renciers lors d’une plĂ©nière, offriront une session passionnante et innovante intitulĂ©e « Musique et Connexion » au du 15 au 18 octobre 2024. Dan Goldman travaille comme musicothĂ©rapeute et animateur de groupes de soutien au deuil Ă  la au QuĂ©bec. Stefanie Blain-Moraes est ingĂ©nieure biomĂ©dicale et professeure agrĂ©gĂ©e Ă  l’UniversitĂ© 9IÖĆ×÷ł§Ăâ·Ń de MontrĂ©al ainsi que titulaire de la Chaire de recherche du Canada (niveau 2) en technologie de la conscience et de la personnalitĂ©.

Devon Phillips (DP) : Nous sommes très chanceux que tous les deux vous prĂ©sentiez la plĂ©nière de clĂ´ture du Congrès international de 9IÖĆ×÷ł§Ăâ·Ń sur les soins palliatifs. Vous collaborez Ă  la prĂ©sentation d’une session intitulĂ©e qui aura lieu le 18 octobre. Ma première question Ă  vous deux est la suivante : quel est le rĂ´le de la musique dans le contexte d’une maladie grave?

Dan Goldman (DG) :

Dan Goldman MA, MTA
Dan Goldman MA, MTA
Que je travaille avec des personnes en fin de vie ou avec celles qui vivent un deuil, il est important de me rappeler que nous pouvons réagir de différentes manières : par le dialogue, par le silence en commun et une troisième manière, par la musique. En fait, ces trois manières s’entrelacent tout à fait naturellement dans une séance de musicothérapie, chacune offrant ses propres bienfaits et son potentiel pour libérer ce que l’on peut ressentir et exprimer. Il y a tellement d’émotions importantes qui émergent vers la fin de la vie et pendant le deuil. Je pense que dans une séance de musicothérapie, nous essayons d’offrir du réconfort et nous essayons de créer un espace, ou à tout le moins, de faire de la place pour un large éventail d’émotions. Plusieurs émotions sont paradoxales, elles prennent différentes directions et ne suivent pas nécessairement une séquence logique. Avoir accès aux trois manières d’interagir (dialogue, silence en commun et musique) aide les personnes à naviguer les émotions complexes et difficiles.

Par exemple, si nous pensons à une chanson, on y retrouve de la répétition dans la forme et de la prévisibilité dans le rythme, les paroles et la mélodie. À un moment où tant de choses sont hors du contrôle d’une personne, la prévisibilité et la répétition sont réconfortantes. La musique offre aux gens un espace où ils peuvent se retrouver pendant un certain temps et s’y reposer. Alors nous dirons que la musique offre un espace pour exprimer et accompagner les émotions, les pensées, les sensations, les souvenirs, toute la gamme des expériences. Les patients préfèrent généralement les chansons qu’ils reconnaissent, les chansons qui leur rappellent de bons souvenirs d’endroits, d’événements et de relations. Les personnes s’identifient souvent avec un refrain ou une phrase en particulier dans le verset. Ces chansons stimulent souvent des conversations profondes qui peuvent ensuite inspirer d’autres chansons, favorisant le traitement des sujets qui en émanent. Les pauses dans les dialogues ou même dans la musique peuvent également permettre l’émanation et l’expression des émotions. À la base, la musique a la capacité de réconforter et lorsque nous traversons des évènements importants dans nos vies, nous voulons généralement être touchés et réconfortés. Aussi la musique peut être considérée comme une forme de toucher parce qu’elle génère des vibrations sonores que nous ressentons dans tout le corps; de cette façon, nous faisons l’expérience du toucher de manière très personnelle.

Stefanie Blain-Moraes (SBM) :

Dre Stefanie Blain-Moraes
Dan, c’est magnifique. Vous savez chaque fois que Dan et moi nous nous parlons, je me sens tellement chanceuse de faire cette conférence avec lui. J’ajouterais à ce qu’il a dit qu’en fin de vie, on s’attarde beaucoup à la dimension relationnelle et la musique aide vraiment à mettre en relation deux personnes, je pense que c’est ce que les personnes recherchent.

DP : Je voulais aussi parler un peu de l’identité personnelle et de la perte de celle-ci en fin de vie lorsque les personnes peuvent perdre le sentiment du soi, de leur identité et, à des degrés divers, de leur capacité à communiquer. Je pense que la musique peut jouer un rôle très spécial. Stefanie, voulez-vous peut-être aborder cela compte tenu de votre travail avec la technologie assistée chez les personnes ayant une réduction de leur capacité de communication?

SBM : La technologie que je partagerai en plénière est ce qu’on appelle la biomusique, et elle a été conçue pour les personnes qui sont incapables de bouger, incapables de parler. Nous constatons que dans ces circonstances, l’identité personnelle a tendance à se perdre lentement et à être compromise. Souvent, les travailleurs de la santé regardent le corps comme quelque chose qui a besoin d’être soignée, quelque chose qui a besoin d’entretien et d’être tenue propre. Mais la personne se perd là-dedans parce que c’est une interaction à sens unique. Je viens vers vous, je vous parle, mais je ne reçois pas de réponse. Il est difficile de continuer cela pendant plus de 5 minutes même avec les meilleures intentions, parce que vous n’obtenez rien en retour. La biomusique est une technologie qui rend explicites les réactions physiologiques d’une personne. Les gens répondent même si vous ne les voyez pas le faire- ils peuvent répondre sans que vous ne vous en rendiez compte. Par exemple, je ne suis peut-être pas en mesure de vous répondre par des signes physiques, peut-être que je ne peux pas bouger intentionnellement, mais mon corps sait que votre corps est là. Je reconnais qu’il y a une autre présence ici et que mon corps y répond. Même si je ne peux pas vous montrer que vous avez un effet sur moi, vous avez un effet sur mon corps. Cette technologie a été conçue pour rendre cela explicite. Au début la technologie a été conçue pour des représentations visuelles, et elle ne fonctionnait pas comme le fait la biomusique. Les gens l’ont traitée comme un outil analytique- qu’est-ce que cela signifie? Comment puis-je interpréter ce graphique? Nous sommes passés à la musique, l’une des raisons étant que la musique est- et j’ai adoré la façon dont Dan l’a dit tantôt- capable d’exprimer davantage qu’une question directe comme : « ce graphique va-t-il vers le haut ou vers le bas? » Lorsque nous sommes en mesure de transmettre les réactions internes de quelqu’un grâce à un moyen qui a un sens, mais qui laisse encore de la place à l’interprétation à la personne qui écoute, nous trouvons que nous sommes alors en mesure de reconnaître l’identité personnelle d’une personne qui nous semblait la perdre.

DP : Dan, en tant que musicothérapeute expérimenté, vous traitez des problèmes d’identité personnelle et vous travaillez aussi avec des gens en fin de vie. A quoi ressemble cette expérience?

DG : L’un de mes principaux rôles est d’accompagner les personnes dans la progression du processus de perte. Il semble qu’il y ait une accumulation de chagrins en lien avec la perte de son autonomie, de ses sens, de son sentiment d’identité et de sa capacité à communiquer et d’être en relation avec ses proches. Il y a tellement de choses en cours de route que les mourants perdent. J’ai la chance d’avoir l’occasion d’être témoin de la façon dont la musique peut aider les personnes à retrouver et à renforcer le sens de leur identité au-delà de celle d’une personne atteinte d’une maladie. L’amour de la musique semble perdurer tant qu’une personne peut encore entendre assez bien, ce qui les aide à traverser le cours des changements profonds. Elles peuvent simplement hocher la tête ou sourire ou donner une sorte de signal et nous pouvons voir alors qu’ils sont toujours présents, et qu’ils communiquent avec nous -que leur être est toujours là. Cela peut également rassurer les membres de la famille. Je pense en ce moment à un monsieur qui avait perdu sa capacité à verbaliser. Je savais, d’après une conversation avec sa femme, qu’il avait été chef de chorale et qu’il aimait la musique classique. Je me souviens de lui avoir joué une pièce de JS Bach et d’avoir vu des larmes couler alors qu’il hochait la tête en signe d’un oui. Il continuait d’aimer la musique malgré ses capacités limitées. Et même lorsque tout change si rapidement, lorsque la trajectoire de la maladie passe à la vitesse supérieure, il y a un potentiel de faire appel à la musique comme force stabilisatrice.

Crédit artistique : Sarah Tevyaw, MA, ATR
En ce qui concerne les dernières étapes de la maladie, si j’ai bien connu le patient, je continuerai à jouer les chansons/pièces préférées du patient pendant qu’il est activement en train de mourir/ non réactif. Je ne suis pas toujours certain que ce soit la bonne chose à faire, bien que je m’appuie généralement sur mon intuition, sur ce que je sais sur le patient et sur la notion commune que « l’ouïe est le dernier sens qui s’éteint », pour inspirer ou du moins justifier l’utilisation de la musique à ce stade. Je suis complètement fasciné par le travail de Stefanie et enthousiaste à l’idée d’explorer et d’interagir avec la biomusique. Cela nous aide à réfléchir à quelques questions telles que : quel pourrait être le rôle de la musique avec un patient non réactif dans les soins palliatifs? Comment cette façon de travailler pourrait-elle soutenir ma relation et mon implication auprès du patient? Comment l’écoute et l’improvisation avec le système nerveux d’un patient peuvent-elles changer la façon dont je me sens à son égard? Se pourrait-il que le fait d’avoir des preuves de la musique intérieure d’une autre personne augmente le potentiel d’empathie? Écouter la musique qui émane de l’intérieur d’une autre personne protège-t-elle son identité personnelle?

DP : Ce sont des questions fascinantes Dan. Stefanie, comment utilisez-vous la technologie de la biomusique à l’heure actuelle?

SBM : Nous travaillons avec des enfants en soins palliatifs qui sont peu communicatifs. Nous créons des expériences pour construire des souvenirs avec eux et leurs parents en jouant la biomusique de l’enfant au cours d’une expérience conçue sur mesure pour un couple. Nous avons un entretien à l’avance pour déterminer ce qui aurait du sens pour ces parents. La mère écoutera la biomusique de son enfant et en parlera par la suite – des moments qui se sont démarqués, qui ont été significatifs et parfois des moments très intenses où la musique change, émane et révèle des réactions que vous aviez toujours soupçonnées d’être là. Je trouve que les personnes se sentent vraiment très validées lorsqu’il y a une représentation externe qui les amène à dire : « Oui, je savais qu’il réagissait à cela. » Nous enregistrerons un petit clip sonore de ces moments et les mettrons dans une boîte à musique, puis nous le mettrons dans un animal en peluche ou dans une boîte à musique fabriquée et nous le donnerons aux parents. Ils peuvent l’écouter pendant que leur enfant est en vie et le garder aussi après son décès. Et cette association entre ce moment musical et l’enfant est quelque chose qui entretient le souvenir de l’identité personnel de cet enfant même après son décès en raison de tout le sens qu’a pris cette musique à ce moment-là.

DP : C’est extrêmement puissant. La musique est la communication et la connexion, la musique représente l’essence de cet enfant. C’est tellement merveilleux. Stefanie, je pense que vous apportez un instrument, un outil de biofeedback avec vous à la plénière pour démontrer ce processus, est-ce exact?

SBM : C’est bien ça. Il y aura une démonstration en direct de la biomusique; Dan et moi seront en mesure de démontrer en temps réel quelle sera la réaction d’une personne. Ensuite, Dan va travailler musicalement avec les commentaires sur la biomusique afin que vous puissiez voir à quoi ressemblerait l’interaction relationnelle avec la biomusique avec la participation du public également. Nous sommes très enthousiastes!

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