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Quantum Gravity: Une entrevue avec l’artiste Stephen Andrews

est un peintre canadien dont le travail explore la science, la technologie, la mémoire et la perte. En 1984, alors qu’il avait 28 ans, Stephen a reçu un diagnostic de sida. Et même s’il a survécu à cette pandémie, son partenaire et un nombre incalculable de ses amis n’ont pas survécu. Nous nous sommes assis pour l’entrevue dans son jardin foisonné de végétation luxuriante, face à des touffes d'herbes gorgées de soleil qui poussent sur le toit vert de son studio, aussi prolifiques que les idées qui lui sortaient de la tête. Avant même que je puisse allumer l’enregistreur, Stephen, semblant anticiper chacune de mes questions, commença à parler. Tel que dans ses toiles, il parle avec langueur mais avec insistance, faisant des réflexions, qui se transforment en images surprenantes.

Alors qu'il se lançait dans sa réflexion sur la possibilité de placer ses anciennes œuvres à côté de peintures plus récentes dans une prochaine exposition que j'organise au , notre conversation est devenue comme l'une de ses peintures où il suffit de prendre du recul pour voir que chacune des parties devient un tout.

Son exposition ouvre au Palais des Congrès le 16 octobre 2024

Stephen Andrews (SA) : Je pensais à l'abstraction et à ma fascination pour les fondements philosophiques de la science, étant un homme d'un certain âge qui réfléchit à la mortalité d'une manière très différente de quand j'étais jeune, comme lorsque j'ai reçu mon diagnostic du sida à 28 ans. À cette époque, j’ai vécu cela comme une sorte de crise existentielle et ma mortalité était remplie d'incertitudes. Évidemment, nous savons tous que tout le monde va mourir à un moment donné, mais on n’y pense pas vraiment quand on est dans la vingtaine. Lorsque vous vieillissez, comme dans la soixantaine, vous commencez à penser à la mortalité. À ce stade, beaucoup d’amis sont morts au cours de votre vie ; vous savez que vous êtes dans une sorte de deuxième vague de décès, et donc vous réfléchissez à nouveau à votre mortalité, mais en termes très philosophiques. C’est plus doux, ce n’est pas une résignation, mais il y a juste, je suppose, une prise de conscience que c’est « ça ». J’ai eu beaucoup de chance, j’ai appris très jeune que « c’était ça » et j’ai vécu ma vie en conséquence – pleinement, en mettant ma main au feu, en espérant gagner.

À la lumière des évènements passés, après avoir appris tout cela, voilà ou j'en suis à ce moment particulier, je réévalue simplement ce que j'ai fait dans le passé et je réfléchis à cette exposition que vous souhaitez réaliser.

Avec cette exposition, c'est intéressant pour moi de regarder en arrière et de voir les racines de ce que je fais dans ce (nouveau) travail. Vous savez, ayant produit des œuvres à une époque où mon espérance de vie était d'un an, j'ai réfléchi à la notion de temps à ce moment-là, et maintenant je réfléchis au temps dans l’immédiat mais c’est encore bref- il faut réfléchir à la brièveté de la vie et au don qu'est la vie. C'est l'essentiel de mon travail. Il y a quelque temps, vous avez dit : « Oh, Stephen, votre travail tourne autour de la mort. » J'ai répondu que je ne le pensais pas, que c'est toujours à propos de la vie. Je le crois toujours.

Elle Flanders (EF) : J'allais commencer par une question que je trouvais provocante, mais vous avez tout abordé avant moi. Ma question allait être la suivante : en lisant une il y a longtemps, vous avez dit, en référence à la mort de votre partenaire Alex, ainsi qu'à de nombreux amis : « La vie d'une personne ne s'arrête pas simplement parce qu'elle est morte. » Et maintenant après avoir consacré plus de temps à votre travail qu’auparavant, j’ai réalisé que votre travail porte vraiment sur la vie. La vie quantique. Pouvons-nous parler de la vie dans vos peintures ?

SA : Je veux expliquer ce que je voulais dire par cela: je pense qu'il y a quelque chose qui se manifeste lorsque le courrier est livré tous les jours et pendant les jours qui suivent (lors du décès d'une personne) et ce, à une époque pré-numérique. Parce que s’occuper des affaires personnelles d’un défunt, on utilisait le courrier, tous les jours on recevait des rappels de la vie de la personne. Aujourd’hui, cela m’arrive moins fréquemment mais au moins une fois par an, lorsque je recois les chèques de redevances du livre d'Alex par la poste, c'est comme un cadeau venu de l’au-delà. Pour moi, il est toujours présent dans ma vie émotivement et continue à subvenir à mes besoins, comme une pierre angulaire. Il est comme une constante, comme la constante de Planck, ou n'importe laquelle de ces constantes mathématiques. C’est quelque chose contre lequel vous mesurez tout.

EF : Vos œuvres seront exposées dans le cadre d'une conférence médicale. Qu'en pensez-vous ?

SA : Rejoindre différents publics est toujours fascinant. C'est une excellente occasion de réunir à nouveau maman et papa, car nous sommes les orphelins ou les enfants du divorce de l'art et de la science. Donc, participer à ce genre d’évènement, c’est combiner ces deux choses parce que je pense que la façon dont l'esprit fonctionne en médecine et en recherche médicale lors de la résolution de problèmes n'est vraiment pas différente de l’action de prendre une photo, décider de quelle photo prendre, quoi articuler, comment s’y prendre. Méthodologies, procédures, expériences - toutes ces choses que l'artiste fait également.

EF : Sur quoi travaillez-vous présentement et quel est le rapport avec les œuvres que vous allez exposer ?

SA : Je viens de terminer cette grande pièce intitulée The Artist’s Studio. C'est mon univers et mes gens qui sont entrés (dans mon atelier) au cours de sa fabrication. Mais les (autres) tableaux que je peignais au même moment où je réalisais ce tableau qui m’a pris deux ans et demi sont (également) retrouvés dans celui-ci. Ainsi, toutes ces « peintures vedettes » sur lesquelles je travaillais d’après mon expérience de mort imminente (dont certaines seront exposées), à propos d’imaginer l’illimité et l’infini, elles sont toutes encapsulées dans le microcosme qu’est mon atelier. Il apparait que je sais ce que je fais quand je le fais, alors qu'en réalité, je n'en ai aucune idée. Je cherche des réponses, et elles n’arrivent qu'à travers le jeu qui se passe en studio et les accidents qui surviennent en laboratoire.

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Image: Stephen Andrews, AuditoriumĚý(dĂ©tail)

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