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Vers des soins palliatifs axés sur l’équité et la justice

Les Drs Kim Acquaviva et Naheed Dosani feront équipe au pour une discussion passionnée et perspicace sur les soins palliatifs axés sur l'équité et la justice. Lors de leur séance plénière intitulée , ils examineront les failles systémiques fondamentales et plaideront en faveur d'un changement de paradigme pour les nombreuses personnes victimes de discrimination et de soins de fin de vie médiocres en raison de multiples facteurs, notamment le logement précaire, les troubles mentaux et l’orientation sexuelle. Les Drs Acquaviva et Dosani ont été interviewés par Emily Adam, stagiaire spécialisée en médecine palliative, Royaume-Uni.

Emily Adam (EA) : Pourriez-vous chacun nous donner un peu de contexte sur vous-même et sur vos travaux antérieurs ?

Kimberly D. Acquaviva, PhD, MSW, CSE, FNAP
Kimberly D. Acquaviva, PhD, MSW, CSE, FNAP
: Je m'appelle Kim Acquaviva. Je suis professeur doté à la School of Nursing de l'Université de Virginie. Je suis également travailleuse sociale et j'ai travaillé dans un contexte interprofessionnel tout au long de ma carrière. Ma formation clinique porte sur les soins palliatifs, même si je n'exerce pas actuellement sur le plan clinique, et mon doctorat porte sur la sexualité humaine. Mon travail est un croisement des soins palliatifs, de la fin de vie et de la sexualité humaine, en particulier autour des soins inclusifs pour les personnes LGBTQIA.

Dr. Naheed Dosani
Dr Naheed Dosani
: Je m'appelle Naheed Dosani et je suis médecin en soins palliatifs qui consacre beaucoup de son temps à prodiguer des soins de santé aux personnes confrontées à des vulnérabilités structurelles comme la pauvreté et l'itinérance. Je suis le fondateur et responsable du premier programme de soins mobiles au Canada pour les personnes sans abri, le (Palliative Education and Care for the Homeless). Je suis directeur médical du plus grand hospice de Toronto, le Kensington Hospice, où nous offrons un programme axé sur l'équité appelé Radical Love. Je suis également médecin en soins palliatifs à l'Hôpital Saint Michael's (Unity Health Toronto) et je suis expert-conseil en matière d'équité en santé au sein du Sur le plan académique, je suis professeur adjoint au Département de médecine communautaire familiale de l'Université de Toronto.

EA : Pourriez-vous donner un bref aperçu de la session que vous donnerez au Congrès en octobre ?

ND : Notre idée maitresse est que même si nous avons fait beaucoup de progrès dans l'amélioration de l'accès aux soins palliatifs pour les personnes dans des pays comme les États-Unis et le Canada, la façon dont nos systèmes sont conçus fait que si vous ne correspondez pas avec ce type de description normative, vous n'obtiendrez pas un accès équitable et de haute qualité aux soins palliatifs. Dans nos systèmes de prestation de soins palliatifs, on fait souvent de nombreuses hypothèses au sujet de votre situation de logement, votre santé mentale, vos soutiens sociaux, votre orientation sexuelle ou votre compte bancaire. Donc, ce que Kim et moi faisons, c'est de commencer à explorer la différence entre les soins palliatifs axés sur l’égalité et les soins palliatifs axés sur l'équité et à travers nos propres parcours, décrire comment nous en sommes arrivés là et transmettre quelques perles de sagesse.

KA : Je pense que ce qui est passionnant dans cette présentation, c'est que Naheed et moi avons tous deux un travail différent, mais très similaire, dans le sens où nous essayons de réfléchir à des moyens de nous assurer que les personnes qui sont souvent rejetées puissent recevoir le même niveau des soins de haute qualité auxquels tous les autres ont accès. Nous parlerons de stratégies axées sur l'équité et la justice pour accroître l'accès et améliorer la prestation de soins palliatifs inclusifs.

EA : Qu’est-ce qui vous a motivé à faire ce travail et pourquoi est-ce si important ?

KA : Je venais de terminer ma maîtrise en travail social et je travaillais avec des personnes vivant avec le VIH et le SIDA. J'étais vraiment intéressée par la sexualité et la fin de vie. Puis, alors que je travaillais dans un hospice, j'ai remarqué que les patients et leurs familles LGBTQIA n'étaient pas compris par les gens. Les équipes soignantes les traitaient soit avec nervosité, impatience ou avec un parti pris pur et simple. Les cliniciens entraient dans une pièce et faisaient valoir leurs propres croyances religieuses sur les soins que recevait le patient, ou faisaient des commentaires qui n'étaient pas destinés à leur causer du tort, mais qui le faisaient en fait. Pendant cette période, j'ai également perdu ma mère à cause d'un cancer de l'ovaire alors qu'elle n’avait que 52 ans. En tant que membre queer de la famille, l'expérience de naviguer dans les soins palliatifs était déroutante. Et je me souviens avoir pensé à l'époque : ce serait encore plus difficile si j'étais le patient, sauraient-ils même comment se comporter avec moi ? Ainsi, le parcours sinueux de ma carrière m'a conduit sur un chemin où je revisite continuellement ces questions.

ND : Je suis le fils de deux réfugiés arrivés au Canada dans les années 1970. En grandissant, je savais donc très bien que les inégalités en matière de santé existaient et pouvaient avoir des conséquences dévastatrices. En tant que stagiaire résident de première année à l'Université de Toronto (il y a plus de dix ans), je me suis occupé d'un jeune homme d'une trentaine d'années atteint d'un cancer généralisé à la tête et au cou qui cherchait simplement à contrôler la douleur, mais s'est vu refuser l'accès aux médicaments qui auraient amélioré sa qualité de vie. J'ai établi une relation et un lien de confiance avec lui et, malgré tous mes efforts, il est décédé des suites d'une surdose due à une combinaison d'alcool et de drogues. C'était trop peu, trop tard. Cela a été un tournant dans ma vie. Cela m’a vraiment démontré les iniquités dans les traitements offerts selon de type de patients et a mis en évidence la question de la valeur d’une vie humaine. De plus, cela m'a appris que si nous n'y parvenons pas en fin de vie, alors que faisons-nous en soins de santé ? Où est l'humanité ? Mon intérêt pour la santé mondiale et l’équité en santé s’est donc concentré sur les soins palliatifs, et j’ai commencé à réaliser que les personnes sans domicile à Toronto et partout au Canada souffraient vraiment. Les personnes sans abri sont 28 fois plus susceptibles d’avoir l’hépatite C, 5 fois plus d’avoir une maladie cardiaque et 4 fois plus d’avoir un cancer. Au Canada, les personnes sans domicile vivent en moyenne entre 34 et 47 ans. Leur durée de vie est donc la moitié de celles et ceux ayant un domicile. L’itinérance est un diagnostic terminal des déterminants sociaux de la santé. C'est une maladie de soins palliatifs. J'ai donc poursuivi ma formation, connecté avec des gens partout au Canada et dans le monde et j’ai lancé le programme PEACH le 1er juillet 2014. En fait, tout a commencé à l'arrière de ma Honda Civic en travaillant un jour par semaine avec une infirmière de rue, et 10 ans plus tard, nous avons soigné 1 000 clients. Le programme PEACH est un modèle de soins 24h/24 et 7/7 avec 7 médecins en soins palliatifs, un psychiatre, 3 infirmières, 2 travailleurs sociaux, un pair travailleur et un coordinateur de soins à domicile, prenant soin de 120 à 130 clients à tout moment. De plus, il a été reproduit dans des villes partout au Canada et dans le monde et constitue désormais la norme de soins indiquant pour les soins palliatifs équitables pour les populations structurellement vulnérables.

EA : Pouvez-vous décrire certains des défis liés à l’iniquité dans les soins palliatifs ?

ND : Un bon nombre de nos modèles de soins palliatifs reposent sur des hypothèses majeures concernant la situation sociale des personnes que nous soignons. Nous appelons cela des soins palliatifs « à domicile » dans la communauté la plupart du temps. Et si vous n'avez pas de maison ? Plus de 300 000 Canadiens sont sans abri chaque année, et c'est un chiffre largement sous-estimé. Il existe donc une incongruité structurelle et notre capacité à fournir des soins palliatifs aux personnes qui n'ont pas de domicile. Beaucoup pensent que les gens ont de la famille et du soutien. Qu’en est-il de ceux qui sont socialement isolés et ne peuvent pas s’occuper pendant les heures où les soins à domicile ne sont pas disponibles pour fournir un soutien aux personnes qui souhaitent rester chez eux ? La façon dont nous pratiquons est souvent stigmatisante et perpétue la stigmatisation. Le fait que la communauté de la médecine palliative n'ait pas encore pleinement adopté la réduction des méfaits comme pratique exemplaire signifie essentiellement que si vous êtes une personne qui consomme des drogues, vous n'aurez probablement jamais l'accès aux soins palliatifs de haute qualité que vous méritez.

KA : Pour les personnes LGBTQIA aux États-Unis, nous avons de nombreux programmes de soins palliatifs qui ne contiennent pas de déclaration de non-discrimination inclusive LGBTQIA indiquant qu'au strict minimum, les gens ne seront pas maltraités en raison de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre. Il s’agit d’un obstacle bien réel et tangible à l’accès aux soins. Lorsque ma femme était mourante, nous avons bénéficié de soins palliatifs, ce qui était fantastique. Mais quand le moment est venu de considérer l’hospitalisation, nous n’avons trouvé aucun service de soins palliatifs à l’hôpital comprenant une déclaration inclusive de non-discrimination stipulant qu'ils feraient le strict minimum pour ne pas nous maltraiter à cause de qui nous sommes. Elle est donc décédée à la maison, sans soins palliatifs, à cause de cela. Aux États-Unis également, nous n’apprenons toujours pas aux étudiants en médecine et en sciences infirmières à poser des questions aux personnes sur leur sexe attribué à la naissance et leur identité de genre actuelle, ni sur les modèles de comportement ; quels sont vos pronoms, demander aux gens par quel nom ils veulent être adressés. Nous savons depuis plus de 10 ans qu'il est préférable de poser une question en deux étapes sur le sexe et le genre, mais les gens ne l'enseignent pas. De nombreuses personnes LGBTQIA et plus se sentent invisibles et ignorées.

Et cela constitue en soi un obstacle à l’accès aux soins. Lorsque l’on pense aux soins palliatifs, une personne atteinte d’une maladie grave ou potentiellement mortelle est déjà vulnérable. La dernière chose dont ils ont besoin, c’est de se sentir jugées ou traitées différemment en raison de qui elles sont. Aux États-Unis, où il y a beaucoup de gens ayant des croyances religieuses très stricts, en particulier autour de l'homosexualité, mais aussi autour des personnes trans, cela peut s’avérer épouvantable pour les gens d'avoir accès aux soins sans savoir s'ils vont être mal traités en raison des croyances religieuses du prestataire soignant.

EA : De nombreux professionnels interdisciplinaires du monde entier vous entendront parler au Congrès. Comment voyez-vous le rôle du Congrès dans le paysage international des soins palliatifs ?

KA : Je pense que cela jouera un rôle essentiel. C'est le lieu où des personnes du monde entier se réunissent pour dialoguer sur les questions les plus importantes pour les soins palliatifs. Ce n'est pas une conférence typique où les gens vont simplement écouter quelqu'un parler de leur travail. C'est un véhicule pour démarrer la conversation. Et les personnes présentes dans la salle sont celles avec qui avoir ce genre de conversations. Nous pouvons nous poser des questions difficiles les uns les autres et nous-mêmes ; en quoi échouons-nous dans notre propre pratique ? Dans quelle mesure notre organisation n’arrive-t-elle pas à accroître l’accessibilité ? Je peux le voir comme un incubateur de progrès.

ND : Le Congrès est un lieu intéressant où, espérons-le, Kim et moi pourrons également être des agents provocateurs et inciter les gens à penser différemment sur la façon dont nous pouvons faire plus, et peut-être à réfléchir à la manière dont les soins palliatifs en général doivent être transformés et redéfinis. Réfléchir à un changement de paradigme en matière d’équité. Je pense que c'est sur cela que notre séance va vraiment se concentrer.

EA : Les soins palliatifs ont toujours Ă©tĂ© une ˛ő±čĂ©ł¦ľ±˛ą±ôľ±łŮĂ© qui a dĂ» se battre pour faire entendre sa voix, mais vous allez tous les deux plus loin et l'Ă©tendez aux personnes qui doivent se battre pour faire entendre leur voix. En tant que professionnels des soins palliatifs, comment pouvons-nous dĂ©fendre notre ˛ő±čĂ©ł¦ľ±˛ą±ôľ±łŮĂ© et les choses qui nous passionnent ?

KA : En tant qu'universitaire, mais aussi en tant que travailleuse sociale, humaine et veuve, j'en suis venue à croire que les données et les faits changent réellement la façon de penser des gens, mais que les histoires changent le cœur des gens. Nous devons donc continuer à raconter des histoires, tout en utilisant les données et les faits. Parce que lorsque vous réunissez ces deux éléments, vous aidez les gens à comprendre ce qui doit changer et pourquoi le changement est désormais impératif.

ND : Nous devons vraiment entendre les voix des personnes ayant vécu des expériences pour leur permettre de parler par elles-mêmes de ce dont elles ont besoin. Nous avons fait beaucoup de grandes choses au cours des dernières décennies dans le domaine des soins palliatifs, mais lorsqu'il s'agit de populations méritant d’être traitée équitablement, nous ne les avons pas vraiment soutenues ni leurs besoins. Nous ne les avons pas suffisamment soutenues et nous n'avons pas fourni de ressources aux communautés qui en ont le plus besoin. Si nous l’avions fait, nous n’aurions probablement pas conçu nos modèles de la manière dont ils sont livrés actuellement. J'espère donc que notre présentation amènera les gens à mieux comprendre pourquoi il est important d’entendre les voix des personnes marginalisées qui ont vécu des expériences et leur donner les habiletés et les ressources nécessaires pour apporter des changements.

EA : Le dernier mot vous appartient, y a-t-il d’autres messages que vous aimeriez transmettre ?

KA : Lorsque nous envisageons les soins palliatifs, nous devons les considérer comme le germe d’une bonne idée qui doit être totalement différente. Aux États-Unis, l’essentiel de notre action en matière de soins de fin de vie a été façonné par les modèles de remboursement. Par exemple, notre vision des soins palliatifs a été façonnée autour de ce que Medicare paierait. Mais si nous devions faire table rase, à quoi aurions-nous réellement besoin ? Soyons enthousiasmés par ce que nous avons accompli en matière de soins palliatifs, mais soyons visionnaires pour les réinventer.

ND : Ce que j'aimerais au Congrès, c'est que nous parlions davantage des causes des inégalités dans les déterminants sociaux de la santé. Si nous pensons que les soins palliatifs sont à l’abri des facteurs qui sont à l’origine des inégalités dans les déterminants sociaux de la santé, comme le racisme, la xénophobie, la transphobie, le colonialisme, le capitalisme et le capacitisme, alors nous avons tort. Nous devons commencer à normaliser les conversations sur ces facteurs, et ce n’est qu’alors que nous pourrons réellement lutter contre les inégalités des déterminants sociaux de la santé pour les populations à qui nous devons d’être traitée équitablement.

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