Pour un meilleur suivi de la biocontamination des mammifères marins de l’Arctique

Dans un contexte où les changements climatiques transforment le réseau alimentaire de l’Arctique, une nouvelle méthode de suivi permet d’obtenir des données essentielles sur les habitudes alimentaires et l’exposition aux contaminants des animaux vivant dans les écosystèmes marins de la région.
Dans le cadre d’une , une équipe de recherche dirigée par Adam Pedersen du Département des sciences des ressources naturelles de l’Université 9IÖÆ×÷³§Ãâ·Ñ, depuis peu titulaire d’un doctorat, explique comment elle utilise des isotopes de carbone d’acides gras pour mieux comprendre ce que mangent les espèces migratrices, comme les orques, et les prédateurs de l’Arctique, notamment les ours polaires, et comment les contaminants nocifs s’accumulent dans leur organisme.
« Notre méthode repousse certaines limites des approches habituelles, dit Adam Pedersen, auteur principal de l’é³Ù³Ü»å±ð. Elle est particulièrement efficace pour les espèces comme les orques, qui adaptent leur régime alimentaire à mesure qu’elles migrent vers l’Arctique. Il est essentiel de comprendre ces transformations dans le contexte des changements climatiques. »
Publiée dans la revue , l’é³Ù³Ü»å±ð propose une solution plus précise que l’analyse des isotopes stables en vrac habituellement utilisée, qui présente des faiblesses pour l’é³Ù³Ü»å±ð des espèces parcourant de longues distances et traversant différents écosystèmes.
Comme l’Arctique se réchauffe, les orques et d’autres espèces s’aventurent plus loin et rencontrent de nouvelles proies, dont d’autres mammifères marins. Les phoques et les autres mammifères marins que les orques chassent dans les eaux arctiques se situent plus haut dans la chaîne alimentaire et contiennent beaucoup plus de contaminants que les poissons dont elles se nourrissent normalement dans l’Atlantique Nord.
De même, comme la banquise rétrécit dans l’Arctique, il est possible que les ours polaires mangent des phoques plus contaminés. L’approche proposée par l’équipe d’Adam Pedersen permettrait de suivre ces changements d’alimentation plus facilement qu’avec les méthodes habituelles et de mieux comprendre comment les contaminants s’accumulent dans les réseaux alimentaires. Ces changements pourraient également entraîner une forte augmentation du taux de contamination des orques et des ours polaires, ce qui est inquiétant à la fois pour les animaux et pour les êtres humains qui s’en nourrissent.
En outre, les orques et les ours polaires contaminés peuvent, par leurs déjections ou lorsqu’ils meurent ou qu’ils sont consommés par des humains, libérer dans l’environnement des substances polluantes susceptibles de nuire à d’autres espèces et ainsi de perturber l’équilibre écologique.
« Ces contaminants s’accumulent dans les organismes vivants au fur et à mesure qu’on monte dans la chaîne alimentaire. Par conséquent, les mammifères marins, et leurs prédateurs, peuvent contenir beaucoup plus de substances nocives que le poisson, explique Adam Pedersen. Notre méthode fournit des données plus précises sur l’accumulation de ces contaminants, ce qui est essentiel aux efforts de conservation. »
Un nouvel outil au service de la conservation et de l’établissement des politiques
Adam Pedersen et son équipe ont analysé de petits échantillons de lard recueillis sur des mammifères marins capturés par des chasseurs de subsistance autochtones du Groenland. À l’aide de la chromatographie en phase gazeuse, qui sert à séparer et à analyser les composants d’un mélange, et de la spectrométrie de masse de rapports isotopiques, qui permet de détecter les isotopes de carbone des substances isolées, l’équipe a extrait et analysé des acides gras afin de reconstituer le régime alimentaire des animaux et s’est servie de ses constatations pour interpréter la variation des contaminants dans le réseau alimentaire. Ces données de haute précision pourraient un jour servir à établir des politiques axées sur la réduction de l’exposition aux contaminants dans les réseaux alimentaires de l’Arctique.
« On pourrait se baser sur cette é³Ù³Ü»å±ð pour la gestion des contaminants, affirme Melissa McKinney », professeure agrégée au Département des sciences des ressources naturelles, titulaire de la Chaire de recherche du Canada (niveau 2) sur les changements écologiques et les stresseurs environnementaux et directrice de thèse d’Adam Pedersen. « En comprenant mieux comment les contaminants s’accumulent dans les réseaux alimentaires et se frayent un chemin jusqu’aux prédateurs situés au sommet des chaînes, nous pouvons prédire avec plus d’exactitude la dynamique des contaminants en situation de changements climatiques, par exemple. »
Adam Pedersen insiste sur la nécessité de valider les résultats prometteurs de l’é³Ù³Ü»å±ð. « La méthode n’a été mise à l’essai que pour un seul réseau alimentaire. Il faut confirmer son applicabilité à plus grande échelle en réalisant d’autres recherches. Il reste que nos constatations initiales sont intéressantes et pourraient encourager d’autres chercheurs à adopter notre approche. »
Pour l’équipe de recherche, il est important que les échantillons soient recueillis en milieu naturel, avec la collaboration des communautés locales.
« En travaillant avec des chasseurs de subsistance autochtones, nous sommes parvenus à rassembler les données dont nous avions besoin sans perturber l’écosystème », précise le chercheur.
L’é³Ù³Ü»å±ð
L’article « », par Adam F. Pedersen, Melissa A. McKinney, et coll., a été publié dans la revue in Science of the Total Environment. L’é³Ù³Ü»å±ð a été financée par le Programme des chaires de recherche du Canada, le Programme de subventions à la découverte et le Programme de subventions d’outils et d’instruments de recherche du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG), la Fondation canadienne pour l’innovation et le Fonds Nouvelles frontières en recherche. Pour la récolte d’échantillons, l’équipe a également reçu du financement du programme de soutien danois pour l’Arctique